Saadi, l’un des plus célèbres poètes persans a son tombeau à Chiraz.
Il est surtout connu pour ses contes moraux, en particulier le Gulistân ou Jardin des roses. Leconte de Lisle (Les roses d’Ispahan)
a repris ces titres dans son œuvre. Victor Hugo a emprunté au Gulistân l’histoire d’un merle blanc. Bien d’autres auteurs français lui ont rendu hommage comme l’abbé Gaudin, Sémelet, Chabeaussière, Madame Roland, Eugène Manuel, la comtesse de Noailles, Maurice Barrès, les frères Tharaud, La Fontaine, Guillot de Saix et Aragon. Il est le plus grand écrivain iranien des 12ème et 13ème siècles. Pourvu d’une imagination impressionnante, il délivre des messages d’un universalisme toujours d’actualité. Ces messages faciles à comprendre fait de lui l’un des plus grands écrivains du monde. Contemporain du règne des atabegs[2] de Fars, Saadi ou Sa’di est né dans une famille d’oulémas à Chiraz.
Selon différentes sources historiques, sa date de naissance varie entre 1175 et 1210. La raison en est qu’il y avait probablement plusieurs
personnes qui portaient le nom de Sa’di. Il reçut une formation initiale par son père, un officier au service d’un prince
[3] atabeg d’où son nom. بنی آدم اعضای یکدیگرند
که در آفرينش ز یک گوهرند چو عضوى به درد آورد روزگار
دگر عضوها را نماند قرار تو کز محنت دیگران بی غمی
نشاید که نامت نهند آدمی Saadi, traduit par Farzine Pourcyrus: Les enfants d’Adam font partie d’un corps Ils sont créés tous d’une même essence Si une peine arrive à un membre du corps les autres aussi, perdent leur aisance Si, pour la peine des autres, tu n’as pas de souffrance Tu ne mériteras pas d’être dans ce corps Dès l’enfance, il fréquenta l’école de sa ville natale. Devenu orphelin tôt,
il s’initia au monde de la science grâce à un aïeul. Ensuite il se rendit à Bagdad pour compléter ses études.
L’absence de son père va marquer ses textes plusieurs fois. Il faut préciser que l’Iran vivait une période de chaos. Les Mongols avaient envahi le pays dès 1221 pour aboutir à l’occupation totale
de l’Iran. D’où il y a eu l’instauration de la dynastie des Ilkhanides en 1251. Durant cette période, l’Iran était mis à sac par
des pillages et des massacres par les Mongols et leurs successeurs. Très jeune, Saadi entreprit une série de voyages pour se former. Une fois arrivé à Bagdad, le centre intellectuel le plus célèbre du monde islamique, il reçut une solide formation en sciences et en philosophie. En 1226 et donc très jeune, Sa’adi commença une série de voyages. Il part vers des pays comme la Mésopotamie, la Syrie, l’Egypte, le Hedjaz et l’Asie Mineure. Une fois arrivé à Bagdad, le centre le plus célèbre du monde islamique, il se rendit à l’école de Bagdad[4] Nizami, certes déclinante, mais où un certain nombre d’oulémas[5] et de savants enseignaient les sciences, la philosophie et d’autres disciplines. Toutefois, Bagdad gardait toujours son hégémonie intellectuelle. A la fin de ses études, Saadi entreprit de longs voyages vers le Hedjaz, en Syrie et au Liban. Ces périples, commencés en 1223/ 1224 et terminés en 1257, année où il rentra à Chiraz, lui apportèrent une bonne connaissance du monde et de la nature humaine grâce aux expériences acquises. Certains comme ceux effectués vers l’Inde ou à Kachgar sont contestés par des historiens. Installé à Chiraz, il devint l’un des proches de l’émir atabeg Saad. Sans être officiellement poète de cour,
il profitait d’une certaine autonomie. Ce qui lui fournit l’occasion d’avoir une formation fondée sur le mysticisme. Ainsi il fréquentait
le couvent d’Abu Abdollah Khafif qui dépendait du prince atabeg. Il parait d’ailleurs que son initiation au mysticisme remontait à sa jeunesse.
Ses œuvres mystiques et ses sermons trouvent là leur source. Au déclin des atabegs salgharides, Saadi fit un voyage à la Mecque puis il se rendit à Tabriz et en Asie Mineure. Au cours de ces périples, il rencontra un nombre important d’hommes dont le nom nous confirme leur future influence sur sa carrière tels que : Jouwaini[6] et son frère à Tabriz à la cour du roi Ilkhanide[7] qui l’accueillit solennellement. Certains historiens ont évoqué sa rencontre avec Homâm al Din à Tabriz et Rumî[8] en Asie Mineure, alors que d’autres émettent des doutes. Plusieurs sources nous donnent l’année 1290 comme date de sa mort, mais un consensus général s’est fait sur l’année 1291.
Son tombeau se trouve au nord-est de Chiraz où existait autrefois le couvent où il vécut. Le mausolée de Saadi est aujourd’hui
l’un des sites touristiques de Chiraz qui attire des touristes des quatre coins du monde. Conscient de sa réputation, de l’Asie Mineure à l’Inde, Saadi y a fait allusion à plusieurs reprises. Quelques grands poètes
[9] de l’Inde l’ont d’ailleurs mentionné dans leurs écrits. Les œuvres de Saadi ont été publiées en Inde et en Asie Mineure. Le Gulistan (le Jardin des roses) et le Boustan (Le Verger)
sont ses textes les plus importants qui sont aussi traduits dans plusieurs langues européennes. Saadi a admiré sincèrement certains atabegs salgharides, ainsi que plusieurs hommes politiques[10]
et hommes de lettres[11] de son temps, cependant Abu Bakr[12]
l’a été plus que les autres. Les termes et les expressions utilisés par Saadi dans le Boustan et le Gulistan pour
l’honorer témoignent de l’importance de ses qualités. Finalement, il lui dédia le Boustan.
L’autre personne qu’il a admirée n’est autre que son chef[13], le successeur d’Abu Bakr, à qui il
dédia le Gulistan. Ses qasidas[14] abordent les thèmes suivants :
conseils moraux, encouragements à établir l’égalité, le bien, à avoir une bonne réputation et évocation de l’instabilité du monde.
Il atteint son apogée lorsqu’il évoque dans ses poèmes le refus de l’oppression, son soutien à la justice et à l’équité. S’adressant à un roi quel qu’il soit, Saadi n’exagère jamais lorsqu’il les admire dans ses poèmes et il évite toute sorte de flatterie.
Il faut préciser qu’il ne se soumit ni ne se vendit à aucun pouvoir afin de gagner sa vie en échange. Sans s’humilier devant les rois,
il les invitait à respecter la justice, à être tolérants et à faire le bien. Saadi n’oubliait pas lui-même la vie et la mort, et il
leur rappelait qu’il y a une vie après la mort. Ses ghazals[15] sont
remplis de souffrance, de douleur et d’amour. Dans sa poésie, l’amour ne se limite pas aux êtres humains,
c’est l’homme à la quête de l’amour divin, avec une passion pour la création ainsi que pour la nature. Le Boustan et Le Gulistan sont les deux œuvres majeures de Saadi. Il y aborde les questions concernant la morale humaine.
Dans le Boustan, Saadi donne des conseils sur la justice, l’amour, la modestie, la satisfaction, la piété, l’éducation,
la générosité, tandis que dans le Gulistân, il décrit la double image du monde : beau et atroce à la fois, plein de contradictions,
comme la société d’ailleurs. Le Boustan (Saadi Nameh) où il parle de morale humaine, où il donne des conseils et expose ses idées sur l’éducation
est composé de dix chapitres dont les titres sont les suivants : la justice, le don, l’amour, la modestie, la satisfaction, le sermon,
l’éducation, le remerciement, le repentir et la prière. Le Gulistan, composé de huit chapitres, nous montre une belle image du monde ;
voici le titre de ses chapitres : Du caractère et de la conduite des rois, de l’éthique des derviches, Des bienfaits de l’économie,
Des avantages du silence, de l’amour et de la jeunesse, De la faiblesse et de la vieillesse, De l’influence de l’éducation et De la
conduite de la société. Dans le Gulistan, il décrit la double image du monde : beau et atroce à la fois, plein de
contradictions, comme la société. Ce dualisme apparait dans les thèmes auxquels il accorde la même place : le bien, l’honnêteté et
la pureté d’esprit qui sont aussi importants que le mal, le mensonge et l’hypocrisie.
S’il parle de la beauté, de l’amour et de la passion de la jeunesse, il n’a pas négligé la faiblesse, la dépression et la vieillesse.
Ainsi le lecteur voit la fraîcheur des fleurs de la jeunesse à côté de la tristesse de l’automne de la vieillesse. L’amour est l’amour terrestre,
fait de volupté et de désespoir. Il évoque ces sentiments humains contradictoires. Notamment, il critique en même temps l’homme riche,
mais aussi l’avare et le derviche non abstinent. On rencontre dans ses écrits à la fois un commerçant insatiablement ambitieux ayant une
richesse énorme, mais aussi un derviche pour lequel le monde n’a aucune importance. Bien que l’imagination soit le fondement principal des écrits chez Saadi, il présente le monde d’une manière
réelle. Cela provient de son expérience de la vie en tant que grand voyageur de son temps qui lui a permis d’acquérir une bonne connaissance
du bien et du mal et par là même une exacte et réelle perception du monde. Le monde idéal de Saadi se trouve dans Le Boustan où il apprécie la morale et ses principes ainsi que l’amour d’autrui,
la vraie valeur humaine, le silence, la bonne pensée, l’humilité et l’amour. Le monde décrit dans le Boustan n’est ni impur ni atroce. C’est un monde utopique crée par
lui où l’homme est préservé de l’immoralité. Donc, dans ce monde les criminels seront dirigés finalement vers le bon chemin.
Il prend exemple sur Kerkhi, un grand soufi, qui s’occupant d’un malade. Puis ce soufi le soigne et supporte les difficultés
survenues et ses injures. D’autre part, il parle d’un homme généreux qui se porte garant d’un pauvre prisonnier.
Finalement il se voit incarcéré à sa place. On peut citer également Shebli[16],
un grand mystique iranien, qui retourna un paquet de blé au bazar pour ne pas éloigner une fourmi de sa fourmilière.
Son esprit sensible ne supportait ni le mensonge ni la ruse. C’est pourquoi il les critiquait sévèrement. Les Français ont connu Saadi dès 1634. Depuis, il y eut 3 Français
qui ont travaillé sur ses œuvres : l’abbé Gaudin qui publia en 1789, pour la troisième fois,
une traduction du Gulistan, J. M. Tancoigne en était le traducteur pour certaines parties de ce livre.
Sémelet, professeur à l’Ecole des langues orientales, a publié une traduction plus simple en 1834 pour ses étudiants.
Charles Defrémery a fini la traduction du Gulistan et une partie du Boustan en 1858. Au début du XIXe siècle, La Chabeaussière
[17], l’auteur du Gulistan ou le Hulla de Samarcande, comédie en trois
actes et en prose mêlée d’ariettes, l’a mis en scène dans un théâtre parisien en 1805. Cette pièce ayant été bien accueillie par
les spectateurs, elle fut rejouée plusieurs fois. Elle évoquait les voyages et les personnages créés par Saadi dans ses œuvres.
Il raconte une histoire humoristique sous le nom de Gulistan et présentée par Saadi lui-même. Dans ses Orientales, Hugo a évoqué et commenté les œuvres de Saadi, particulièrement le Gulistan.
Il est inévitable de noter qu’Alfred de Musset dans « l’histoire d’un merle blanc » dont le thème est l’amour d’un merle
et d’une fleur, l’a emprunté à Saadi. D’autre part, Leconte de Lisle, chef des Parnassiens, a mentionné le nom
de Gulistan et de Saadi dans son œuvre intitulée Les roses d’Ispahan. Le nom de Sadi Carnot, président de
la République française, a répandu le nom de Saadi de plus en plus en France. Dans différentes villes françaises actuelles,
de nombreuses rues portent le nom de Sadi Carnot. On peut voir aussi l’influence de Saadi
dans les Fables orientales de Madame Roland. Eugène Manuel a été manifestement inspiré par Saadi au moment de la création de
son œuvre, Poésies du foyer et de l’école. La comtesse de Noailles, Maurice Barrès, les frères Tharaud,
La Fontaine, Guillot de Saix et Aragon sont parmi les grands hommes de lettres français qui ont été marqués par Saadi et
dans leurs œuvres, on peut retrouver la trace de ce grand poète iranien. Saadi, le La Fontaine de la littérature persane
Portrait de Saadi
Sa vie : de la naissance à la mort
L’enfance de Saadi
Les voyages de Saadi
Saadi et le mysticisme
La carrière littéraire et les œuvres de Saadi
Le jardin de rose, Gulistân de Saadi
Les qasidas de saadi
Les ghazals de saadi
Le Gulistan et
le Boustan : les œuvres majeures de Saadi
Bustân, l’autre oeuvre de Saadi
Le Gulistan de Saadi
Le contenu de Gulistan
Le Boustan de Saadi
Saadi dans la littérature française
Saadi et ses paroles courtes morales
L’influence de Saadi dans la littérature française
Les références :
[1] Sheikh Moshriffudin Muslih ibn Abdollah Shirazi
[2] Une dynastie locale dans la région du sud et du sud-ouest de l’Iran (1148-1265)
[3] Saad ibn Zengi (1195-1226).
[4] Nizami
[5] Abolfaraj Ibn el Jawzi, Mohtasib, Schihab ed Din el Ibn Souhraverdi
[6] Chams ed Din Saheb Divan
[7] Abaqa-Khan
[8] Djalāl ad-Dīn Muḥammad Balkhi
[9] Amīr Khusrow Dehlavī, Hassan Dehlavi et Saif Farghani
[10] Le représentant local militaro-politique des Ilkhanides et d’autres atabegs : Ankianou, Amir Beik
[11] Chams ed Din Saheb Divan et son frère Ata Malek Jouwaini
[12] Abu Bakr ibn Saad Zangi
[13] Saad ibn Abou Bakr
[14] Forme poétique utilisée par Saadi : l’ode non strophique, monomètre et monorime au è (?) vers au minimum
[15] Genre littéraire de la poésie persane qui se présente sous la forme d’un poème d’amour
[16] Abu Bakr Dolaf ibn Jahdar (Jaafar ibn Yunos) al- Shebli
[17] Ange-Étienne-Xavier Poisson de La Chabeaussière