Avant l'invasion russe de l'Ukraine, un tiers des antennes étrangères de la compagnie aérienne nationale
russe Aeroflot étaient dirigées par des officiers du GRU (ou GU), le service de renseignement militaire,
révèle le média russe
indépendant The Insider. France, Suisse, Allemagne, Portugal… Ce vaste réseau d'espionnage
était organisé autour de l'arrangement financier suivant: le GRU versait les salaires des espions,
et à Aeroflot de payer les bureaux, le logement et les frais de transport. «Sous la présidence
de Boris Eltsine, la Russie a adopté la loi sur le renseignement étranger obligeant les entreprises
[publiques] à aider le service de renseignement extérieur SVR, le GRU et le FSB
[renseignement intérieur], raconte The Insider. En 2001, Poutine a nommé le général
du SVR Lev Koshlyakov directeur général adjoint d'Aeroflot. [...] Des conflits ont commencé
entre le SVR et le GRU [...] mais après l'intervention de Poutine, les deux services se sont réconciliés
et répartis les postes des bureaux étrangers d'Aeroflot.» Mais depuis février 2022 et la
fermeture du ciel européen aux avions de la compagnie nationale russe,
nombre des officiers de renseignement sous couverture Aeroflot –majoritairement issus du GRU– ont été
contraints de se recaser. Citons d'abord Nikolaï Gruzin, qui espionnait depuis le bureau d'Aeroflot à
Lisbonne après un passage par l'Angola. Diplômé de la Military Diplomatic Academy et lusophone,
il a été affecté à la quatrième direction du GRU, qui supervise l'Afrique,
le Moyen-Orient et Israël. Il opère aujourd'hui au sein de la résidence portugaise du GRU. «Le bureau d'Aeroflot à Vienne était dirigé par Vadim Kolomyichenko, enregistré à
Moscou à l'adresse du siège du GRU. [...] Avant l'Autriche, Kolomyichenko, officiellement employé de la compagnie
aérienne, a espionné à Delhi et à Venise et a obtenu des secrets liés à l'aviation militaire,
dévoile The Insider. Dès que l'UE a fermé le ciel aux avions russes, [lui] et sa femme Olga et leur plus
jeune fils Fedor sont retournés à Moscou. [...] Selon la source de The Insider [au GRU], “Kolomyichenko a été
transféré à la direction ukrainienne, mais il ne s'est pas tout à fait acclimaté [...] et
tourne en rond”.» Erasmus de l'espionnage Vladimir Kraskevich, qui a fait ses classes avec Gruzin,
a lui aussi quitté le bureau d'Aeroflot à Zurich, après une brillante carrière d'espion à Washington
et Amsterdam. À la suite de la publication de son nom par le renseignement intérieur ukrainien (SBU), il avait dû
être transféré d'urgence en Suisse, moins regardante. Depuis Zurich, il pouvait ainsi consulter librement les
informations sur les étrangers voyageant avec Aeroflot. Anatoly Kachan et Alexeï Mironenko étaient respectivement à la tête des bureaux berlinois et lyonnais
d'Aeroflot. Ils sont maintenant à Moscou et attendent d'être transférés dans une autre région.
Avant l'Allemagne, Mironenko travaillait au Département de coopération internationale de la région de
Moscou et surveillait les nouveaux développements militaires… en lisant la presse française. «[En revanche], le bureau turc d'Aeroflot à Istanbul, par lequel la plupart des Russes voyagent
à travers le monde, fonctionne toujours, poursuit The Insider. Il est dirigé par Maxim Lagutkin,
[qui] travaillait précédemment pour Nortel Security, qui protège le bureau du procureur général.
Le fondateur de Nortel est Nikolai Chinenny, qui vit dans le complexe résidentiel du personnel des services de sé
curité à Moscou.» Les vaches (volantes) restent bien gardées.